Faire son choix

Messages : 12 Date d'inscription : 11/08/2010 Age : 39

Réminiscences.

L’atmosphère de la taverne se voulait accueillante, bien éclairée par les innombrables bougies qui avaient été disposées un peu partout. Cet éclairage tamisé ressemblait à autant d’étoiles tremblotantes qui offraient à la pièce une lumière feutrée, propice aux confidences, et à l’intimité d’une fin de soirée.

La propriétaire des lieux, la respectée dame Yamui, avait décidément beaucoup de goût. Et les somptueuses décorations ravissaient les buveurs de Necrhum. Riches tentures, meubles délicatement ciselés, les fleurs odorantes et rares rivalisent avec le parfum capiteux des alcools. Ici, entre deux batailles, l’on pouvait s’évader, fêter une victoire, chope contre chope, avec ses plus proches compagnons, ou méditer, longuement, bercé par le brouhaha ambiant.

C’est pour cela qu’elle avait poussé la porte de la taverne ce soir. Melwyn, assise sur un sofa écarlate contemplait en face d’elle les bougies suintantes d’une cire à l’odeur agréable, et le feu timide qui se consumait dans l’âtre. Foyer paisible, propice au repos, dans une chaleur douce.

Le retour à la taverne, après une longue retraite, lui avait permis de retrouver ses amis. Mais les temps avaient bien changés. Certains de ses compagnons aussi, au point qu’elle ne les avait pas tous reconnus. Elle, pourtant, n’avait été une étrangère pour personne. Cela l’avait réconforté un instant mais… était elle vraiment à sa place, parmi tous ces gens qui avaient resserrés les liens entre eux ?

Elle secoua la tête. Hier encore, elle avait trinqué avec deux anciens compagnons. Non, elle n’était pas une étrangère, c’était juste une sensation. Le goût acre de ne pas faire partie de ce monde qui débat bruyamment des décisions politiques du conseil de Varanas, ou qui affiche une mine réjouie lorsque le premier fils du sire Ergaï sourit, charmant poupon. Elle observait tout cela, distante et glaciale.

Elle avait le sentiment d’avoir le cœur froid, et l’âme figée dans un mal être qu’elle ne comprenait pas elle-même. D’une main, elle agitait son verre machinalement, faisant tournoyer le liquide pourpre au parfum fruité et aux reflets ambrés, sublimé par la cambrure de la coupe de cristal.

La jeune prêtresse se retourne un instant pour observer le comptoir et les clients. Il n’y a pas foule. Ima, la serveuse, attend, immobile. Un couple joue aux cartes. Un peu plus loin, à une table isolée, deux hommes se remémorent le passé en buvant de la bière, riant sous cape de leurs voix viriles, posées et nostalgiques.

***

Eprise

Quelqu’un entre. Le vent glacial de la nuit s’engouffre dans la taverne, faisant onduler les cheveux de jais de Melwyn. Un parfum métallique accompagne la brise. « Son parfum », à cet homme qui sort des ténèbres nocturnes. Le cœur de la prêtresse bondit, elle commence à le connaître bien… un peu trop… dangereusement…

La jeune femme sort habilement son éventail de son gant. D’un geste vif et assuré, elle le déploie devant son visage, se donnant des faux airs de grande dame, dissimulant un sourire satisfait et ses pommettes rougissantes.

Le chevalier salut l’assemblée en s’inclinant, il est fort poli, c’est une qualité rare et appréciable. Il réclame une bière, puis il s’approche de Melwyn, en souriant. Ses bottes de métal foulent le parquet lustré dans des cliquetis réguliers. Elle lui rend son sourire. La complicité entre eux est palpable. Il faut dire que ces derniers temps, ils en ont occis des créatures, délivré de leur malédictions moult lieux magiques, venu à bout de dragons dix fois plus grand qu’eux.

Avec leurs compagnons, ils ont parcouru des endroits mortels, où l’issue du combat est incertaine, et où le doute envahit leurs âmes, cherchant vainement à faire disparaître le courage qui les anime. Lui, en fier chevalier est en première ligne, et combien de fois, elle, bienveillante, attentive, lui offre sa magie pour guérir ses blessures. Il la protège des coups, elle le protège du trépas. Ils sont complémentaires. Inséparables dans la bataille. Il donne sa vie pour elle, et elle est prête à faire de même. Ils se font confiance, remettant leur vie dans les mains de l’autre. Le lien qui les unit est sacré, inébranlable devant toutes les horreurs qu’ils surmontent, ensemble.

Il prend place à côté d’elle. Elle respire un court instant l’effluve de ses longs cheveux au mystérieux reflets bleutés et perçoit furtivement son souffle chaud dans son cou. Cette caresse lui fait détourner le regard, non de dégoût mais parce qu’il ne faut pas… il faut y résister… mais c’est inutile. Déjà, son cœur s’emballe, se réchauffe, revit. La cuirasse rutilante de son acolyte brille devant l’âtre, et cache jalousement sa musculature bien faite. La jeune prêtresse agite son éventail un peu plus fort, conquise. Elle s’efforce de rester stoïque, espérant qu’il n’ait pas remarqué son état. Elle se débat dans le filet de ses sentiments, prisonnière de cet homme qui ne se rend même pas compte qu’il fait d’elle sa proie.

Il ne voit rien. Elle ne lui en veut pas. Comment lui en vouloir ? Alors qu’il est près d’elle ? En ces temps difficiles, est-il vraiment important d’écouter la mélodie lancinante de son cœur éprit ? Lui est un roc solide, un bon vivant, dont l’intérêt est la bataille, la camaraderie, l’honneur et la boisson, un peu. Elle l’écoute, souriante, se délectant du moment présent, alors qu’il évoque avec elle les anecdotes de leurs mésaventures passées dans un donjon maudit. Elle dissimule timidement ses rires derrière son éventail, à moins que ça ne soit ses joues, écarlates du bonheur d’être près de lui.

Se rend il seulement compte, en cet instant, du précieux cadeau qu’il lui offre ?

» Faire le boulet en instance :) j'adore !